de alice Ferney
Pour les gitans d’Alice Ferney, la grâce vient de leur
profonde humanité. C’est ce que découvre Esther, bibliothécaire, qui s’est mis
en tête de lire des histoires aux enfants d’une famille de gitans tous les
mercredis matin. Comme ça. Pour le plaisir. Pour partager. Pour donner.
« Je crois que la vie a besoin des livres, que la vie ne suffit
pas. »
Si les enfants se montrent immédiatement enthousiastes, il faudra
du temps à Esther pour se faire d’accepter d’Angéline et de ses belle-filles.
Peu à peu, elles vont se livrer, confier à Esther leurs doutes, leurs espoirs,
leurs frustrations, leur résignation ou leur révolte. « Les
hommes étaient détruits, bien plus que les femmes (sans doute parce qu’elles
portaient les enfants et qu’elles étaient occupées à les aimer, les nourrir,
les laver et les battre, ce qui suffit à faire une vie). Ils étaient défaits
parce qu’ils n’étaient obligés à rien. »
A travers les lectures d’Esther, les enfants réalisent que tous
les auteurs qui sont morts ont laissé des choses très belles. Et Angéline, que
va t-elle laisser ? « Que chacun donnât le meilleur de
lui-même, voilà un monde réussi, pensait-elle, elle voulait les y aider. »
Que chaque homme tende vers sa propre progression pour faire
progresser le monde, la philosophie d’Angéline devrait être la nôtre, chaque
jour...« Car le temps, c’est le plus précieux, et à côté
le reste c’est presque rien. »
« C’est de la douleur d’aimer, mais c’est tout pire de
ne pas aimer. (...) Ne te garde pas. Ce qu’on garde pour soi meurt, ce qu’on
donne prend racine et se développe. »
Une belle histoire, simple et émouvante. Un style épuré, des personnages
attachants, un réalisme sans concession et sans voyeurisme. Et pourtant, c’est
vraiment de dénuement dont il est question dans ce livre. Pas seulement le
dénuement social ou culturel, mais le manque de tout : d’eau, de chaleur,
de vêtements et parfois de nourriture. Mais le dénuement n’empêche pas la
grâce, c'est-à-dire l’humanité, voilà ce que nous dit Alice Ferney.
Et j'aime bien cette idée que la littérature est un pont jeté entre les
êtres ou entre les cultures.